Le fait de serrer la mâchoire déclenche-t-il des acouphènes ? (bruxisme)

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Le bruxisme désigne le fait de serrer ou de grincer les dents de manière anormale. Ce dysfonctionnement peut être lié aux acouphènes.
Acouphènes et bruxisme sont-il liés ? Et si oui, de quelle manière ces deux symptômes s'imbriquent-ils ?

On sait aujourd’hui que les acouphènes peuvent avoir de multiples causes et que des dysfonctionnements qui s’expriment dans la région buccale et maxillaire peuvent avoir un impact sur les sensations auditives. Le bruxisme fait partie de ces dysfonctionnements. Il est caractérisé par des serrements et ou grincements de dents anormalement fréquents et intenses. Il sera intéressant de voir comment la proximité anatomique de la mâchoire et des oreilles est de nature à favoriser l’apparition de symptômes acouphéniques. De même, comment ne pas parler du rôle prépondérant que joue le système nerveux autonome en matière de bruxisme et d’acouphènes. 

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Qu’entend-on par « bruxisme » ?

Le terme « bruxisme » tire ses origines étymologiques du mot Grec « brygmós » lequel signifie « grincer des dents ». Le bruxisme est donc un mouvement inconscient de la mâchoire qui a tendance à créer des tensions anormalement élevées au niveau de l’appareil masticateur. Il est à noter que ces contraintes mécaniques se manifestent essentiellement en dehors des phases de mastication et de déglutition lesquelles demeurent normales lorsque l’on s’alimente.
Lorsqu’une personne est atteinte de bruxisme, ses dents ont la fâcheuse tendance à se frotter les unes contre les autres et ce de manière répétée, de jour comme de nuit. Cela peut engendrer des complications dentaires telles que des fêlures, une usure prématurée, des déchaussements ou bien encore des fractures.

Hormis les risques dentaires, le bruxisme peut également provoquer des dommages connexes tels qu’une fatigue, des troubles ostéopathiques ainsi que des acouphènes.

Prévalence du bruxisme dans la population

Les statistiques s’accordent à dire qu’environ 6 à 8% de la population adulte et 14 à 38% des enfants présentent des manifestations de bruxisme à une fréquence hebdomadaire. Il est à noter que ces taux diminuent avec l’âge, on constate en effet une prévalence chez 12% des adolescents et environ 4% des plus de 60 ans. Statistiquement, ce sont les publics âgés de 20 à 50 ans qui sont les plus exposés aux manifestations de bruxisme.

Les femmes seraient plus touchée par le grincement de dents en journée tandis que le bruxisme nocturne serait présent de manière équivalente chez les hommes et chez les femmes.

La mâchoire, une mécanique de haute précision

Il faut savoir que la mâchoire est une mécanique subtile. Celle-ci est composée de la mandibule, l’élément mobile qui supporte les dents du bas. La mandibule s’articule sous le crâne, au niveau de l’os temporal qui jouxte le conduit auditif. La présence d’un ménisque permet aux os de s’emboîter. Enfin, un système complexe composé de muscles et de ligaments permet de soutenir cette belle mécanique articulaire et d’en garantir le bon fonctionnement.

Bruxisme statique et bruxisme dynamique

On appelle « bruxisme statique » le fait de serrer les dents sans qu’il n’y est de mouvement latéraux opéré par la mâchoire. Cette crispation anormale aura tendance à entraîner des douleurs musculaires à l’arrière de la mâchoire, dans le cou ainsi que dans la zone des épaules.

Dans certains cas plus extrêmes, il n’est pas rare que cette crispation débouche sur des céphalées, des nausées ainsi que des manifestations douloureuses ressenties au niveau de l’oreille moyenne. L’acouphène est également un symptôme qui peut être lié à cette état de crispation de la mâchoire.
On parle de « bruxisme dynamique » lorsque le grincement de dents est accompagné de mouvements latéraux de la mandibule. Il est aisé de s’imaginer comment ces mouvements de gauche à droite sont susceptibles de causer des dommages, notamment une usure dentaire.

Bruxisme et acouphène : un lien de cause à effet ?

Voici une étude intéressante qui met en lumière le lien entre bruxisme et acouphène. Portant sur 288 patients, cette étude a été supervisée par les médecins Dr Pierre Jacques FINIELS et Dr Dominique BATIFOL (CHU de Montpellier).
Les patients ont tous été traités par injections de toxine botulique dans les muscles manducateurs (muscles de la mâchoire). Cette substance permet, à faible dose, de réduire le tonus musculaire. Les injections avaient donc pour but de « décrisper » ce que l’on nomme les temporaux et masséters. Or il se trouve que l’administration de ce produit dans cette zone spécifique a eu pour incidence de diminuer les symptômes acouphéniques que présentaient certains patients et ce, quelle qu’en fusse l’origine.
Dix-sept patients souffraient d’acouphènes invalidants, résistants à tout traitement médicamenteux. A la suite des injections visant à traiter le bruxisme, 3 patients ont constaté une diminution de leurs symptômes acouphéniques et 11 d’entre eux ont même pu constater la disparition de leur acouphène. Concernant la durée des bienfaits, l’efficacité du traitement persista durant au moins 3 mois. Ce résultat encourageant n’est évidemment pas du au hasard et tout porte à croire que la corrélation est à chercher du côté du nerf trijumeau.

Le rôle clé du nerf trijumeau

C’est parce que les muscles de la mâchoire et ceux de l’oreille interne sont innervés par un même nerf (appelé Trijumeau), que le dysfonctionnement caractéristique du bruxisme pourrait se répercuter au niveau auditif et ainsi favoriser l’émergence d’un acouphène. La tension présente au sein de l’appareil masticateur pourrait induire une hypertonie réflexe (excès de tonicité musculaire) des muscles de l’oreille ainsi qu’une myoclonie du voile du palais (contracture du muscle du voile du palais entraînant un cliquetis permanent au niveau de l’oreille). Ces effets secondaires liés au phénomène de bruxisme pourraient induire l’apparition d’acouphènes.

Voici un extrait de la thèse présentée et soutenue publiquement en 2017 par Agathe DEAN dans le cadre du diplôme d’état de docteur en chirurgie dentaire :

On est aujourd’hui certain de l’existence d’une comorbidité (présence d’un ou de plusieurs troubles associés) possible entre le bruxisme, les céphalées et les acouphènes. En effet ces phénomènes ont en commun une innervation sensitive par le noyau trijumeau du système nerveux central et une perturbation du système dopaminergique.

Quels sont les facteurs qui peuvent déclencher les manifestations de bruxisme ?

Tout comme les acouphènes, le bruxisme peut être la résultante d’une diversité de facteurs. Mentionnons à titre d’exemple le stress, les problèmes d’occlusion dentaires, les infections buccales, les traumas physiques ou bien encore la prise de certains médicaments. Il est conseillé de pratiquer une anamnèse approfondie afin de pouvoir établir un diagnostic fiable.

Bruxisme et stress

Le stress est un processus psycho-corporel qui s’exprime essentiellement par une mise en tension globale de l’individu. La crispation musculaire qui en découle va se manifester de manière particulièrement importante dans la zone du visage. En effet, les muscles faciaux ainsi que ceux de la mâchoire se trouvent en première ligne et cristallisent de ce fait énormément de tensions. Le lien entre bruxisme et stress est assez évident, de même que le lien entre épisode de tension et intensité de l’acouphène n’est plus à démontrer.

Troubles posturaux et bruxisme

Selon le Professeur Dupas, occlusodontiste, près de 70% des patients en proie à des Dysfonctionnement Cranio-Mandibulaire présentent en parallèle des troubles de la posture. L’étude, réalisée auprès de 255 patients, a ainsi pu établir un lien étroit entre troubles musculo-articulaires du rachis et bruxisme nocturne.

Quand le bruxisme survient la nuit

On parle de bruxisme nocturne quand le serrement/grincement de dents survient durant la phase de sommeil. Plusieurs indices permettent alors de diagnostiquer ces manifestations. Par exemple, le bruit caractéristique du grincement peut être rapporté par une tierce personne (conjoint ou autre). Ou bien peut-être est-il possible de relever la présence de douleurs dans les régions de la mâchoire et du cou. Le bruxisme nocturne peut aussi engendrer des maux de tête au réveil ainsi que des sensations désagréables au niveau des joues.
Traiter le bruxisme est impératif car ce dysfonctionnement peut, à la longue, dégrader l’os ainsi que les tissus mous présents autour des dents. Des effets secondaires indésirables au niveau articulaire peuvent également se manifester si rien n’est fait pour diminuer ces manifestations nocturnes.
Afin de poser un diagnostic précis, le praticien pourra prescrire une polysomnographie (analyse du sommeil) laquelle se déroule en général dans un laboratoire spécialisé.

Le port de gouttières occlusales

Il existe un moyen relativement efficace de limiter l’usure dentaire grâce au port de gouttières « occlusales » qui permettent un reconditionnement neuromusculaire. Si l’utilisation de ce procédé a le mérite de protéger l’intégrité des dents, cela ne solutionne cependant pas le fond du problème qui est la crispation de la mâchoire.
A noter ici que la prise de médicaments régulateurs du sommeil ne fournis pas de bons résultats. (Source: Fondation Sommeil)

L’implication du système nerveux

A la lumière des récentes découvertes, il apparaît que le bruxisme du sommeil serait fortement lié à des facteurs psychologiques tels que le stress et l’anxiété. On sait aujourd’hui que ces états toxiques, par ailleurs de plus en plus répandus au sein de nos sociétés modernes, favorisent la mise en tension du système nerveux autonome. Or ce dernier conditionne la façon dont notre organisme fonctionne au quotidien. Lorsque le système nerveux autonome demeure en tension, les problèmes ne sont jamais loin : stress chronique, maux de ventre, hypertension sanguine, problèmes de sommeil, acouphènes, bruxisme…
Le bruxisme nocturne proviendrait donc, en toute vraisemblance, directement du cerveau. C’est cet état de tension qui perdure qui provoquerait ces serrements et grincements de dents caractéristiques.

De l’importance d’assainir le terrain émotionnel afin de diminuer bruxisme et acouphènes

En alerte permanente, notre système nerveux évalue notre environnement et envoie des messages à notre cerveau limbique (émotionnel) lequel stimule le système sympathique. Cela produit de l’adrénaline, un neurotransmetteur qui va accélérer le rythme cardiaque ainsi que la pression artérielle et accroître la tension musculaire et le taux de sucre présent dans le sang.
Notre environnement ainsi que la façon dont nous le percevons ont une influence considérable sur notre état nerveux et émotionnel. Plus nous sommes tendus, stressés, anxieux et en détresse, plus la probabilité que nous développions un bruxisme nocturne ainsi que des acouphènes sera forte.
Une intéressante étude portant sur les jumeaux monozygotes a ainsi démontré que près de la moitié des cas de bruxisme nocturne peuvent être corrélés à des influences extérieures liées à l’environnement familial, privé et professionnel.

Activez votre système parasympathique

Fort heureusement, notre système nerveux autonome possède la capacité de s’équilibrer. C’est au système parasympathique qu’incombe le rôle de réduire les tensions, de détendre les muscles et de ralentir le rythme cardiaque. Encore faut-il savoir comment agir sur ce système.

La technique MART

Il est ici utile de mentionner la technique MART (Muscle Awareness Relaxation Training) qui permet de prendre conscience de sa posture, du niveau de contraction musculaire ainsi que du rythme de sa respiration. En permettant de ramener le corps à l’équilibre, cette technique induit un état d’apaisement propice à réduire les serrements et grincements de dents qui peuvent survenir la nuit.

Hypnothérapie et bruxisme

Dans le même registre, une étude à démontré l’efficacité de l’hypnothérapie dans la réduction de la crispation musculaire mandibulaire. D’autres pratiques peuvent également apporter leur contribution vertueuse, mentionnons ici la Thérapie cognito-comportementale ainsi que la Sophrologie, cette dernière se révélant très efficace dans le cadre de l’activation du système parasympathique.

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