Acouphène et casque audio : comment les concilier ?

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L'impact présumé des différents modèles de casques et d'écouteurs sur les acouphènes.
Est-il possible de prévenir la survenue d'un acouphène en choisissant un format d'écouteur adapté ? De même, comment les personnes atteintes de troubles acouphéniques peuvent-elles se prémunir d'une aggravation de leur acouphène chronique ?

Près d’une personne sur quatre, en France, s’endormirait tous les soirs avec un casque ou une paire d’écouteurs rivées aux oreilles. Ce type de technologie acoustique, avec l’essor des smartphones, est désormais présente à tous les coins de rue. Or, il a été prouvé à maintes reprises que ce type d’usage était de nature à augmenter les risques en matière de troubles auditifs et d’acouphènes. Quelle stratégie de prévention faut-il envisager ? Vers quel matériel devons-nous nous orienter ? Quels sont les principes en vigueur concernant les volumes sonores ? Pourquoi le MP3 est plus nocif que la haute définition ? Qu’est ce que le Noise Canceling et comment fonctionne les casques à conduction osseuse ? Que vous soyez atteint d’acouphènes ou que vous souhaitiez simplement éviter la survenue de ceux-ci, ce sujet vous propose un tour d’horizon des recommandations en matière d’écoute ainsi qu’un large panel de solutions afin que vous puissiez envisager de réconcilier plaisirs de la musique avec hygiène auditive.

Ci-dessous, une courte introduction vidéo. Pour plus d’informations et de détails sur ce sujet Acouphènes-Casque audio, nous vous invitons à parcourir le dossier complet situé sous la vidéo.

Des chiffres alarmants

Une récente étude menée par par JNA-Ifop et réalisée en ligne entre le 9 et le 15 février 2017 vient confirmer ce que les précédentes études laissaient déjà paraître. Menée auprès de 1 200 personnes âgées de 15 ans et plus, l’étude rapporte que, à peu de chose près, 100% des jeunes âgés de 15 à 17 ans possèdent un smartphone. Concernant l’usage qu’ils en font, 76% d’entre eux avouent écouter régulièrement de la musique via leur mobile. Plus inquiétant encore, l’étude révèle que plus d’un adolescent (15-17 ans) sur deux s’endort avec un casque ou des écouteurs rivés aux oreilles. A titre de comparaison, lorsque l’on englobe tous les âges, ils ne sont que plus que 26% à avoir cette habitude.
Cette forte propension à utiliser frénétiquement leur mobile pour écouter de la musique induit immanquablement des conséquences sur le plan auditif. Très logiquement, il apparaît que plus de 40% des 18-34 ans rapportent avoir déjà perçu des sensations de type acouphène.
D’après l’audioprothésiste Fabrice Natovova, 6% des jeunes âgés de 15 à 24 ans seraient victimes d’une perte auditive. Ce chiffre grimperait même à 9% chez les 24-35 ans.
A la lumière de ces statistiques, il est évident qu’une corrélation existe entre ces nouveaux usages et leur impact néfaste sur la santé de l’appareil auditif. C’est la raison pour laquelle, depuis quelques années, un nombre croissant de professionnels nous met en garde contre une utilisation inadéquate des casques, écouteurs et autres oreillettes audio.

Quel est le niveau sonore à respecter ?

Pour comprendre pourquoi il est essentiel de moduler le niveau sonore d’écoute, il apparaît pertinent d’expliquer en amont ce qu’est réellement le son et comment il agit sur nos oreilles.

Deux mots sur la nature du son

Le son est une onde sonore. En se déplaçant, cette onde créé une pression dans l’air. Le son est donc une pression acoustique qui utilise l’air pour se déplacer sous forme d’onde.
Lorsque cette onde parvient à nos oreilles, la pression due au déplacement de l’onde va alors s’exercer sur le tympan. Celui-ci est une sorte de membrane fibreuse logée entre l’oreille externe et l’oreille moyenne et dont la fonction est de récolter les vibrations occasionnées par les différents sons afin de les transmettre à la chaîne ossiculaire.

Lorsque le son est fort, la membrane vibre vigoureusement et la pression engendrée peut abîmer les cellules sensorielles également appelées cellules ciliées. En cas de volume élevé, ces cellules peuvent même être arrachées. C’est ce qui engendre la perte d’audition ainsi que, potentiellement, la survenue d’acouphènes.

Une histoire de décibels

Tout comme le mètre est l’unité de mesure de la distance, le décibel est l’unité de mesure que l’on utilise pour évaluer l’intensité d’un bruit. Pour l’oreille humaine, le seuil de pénibilité du bruit à été fixé à 80 décibels. Le seuil de nocivité a quant à lui été fixé à 85 dB. On estime qu’au delà de 110 dB, le bruit devient tout simplement intolérable et, qui plus est, dangereux pour la santé auditive. Enfin, à 120 dB, c’est le seuil de douleur.
Or, il apparaît qu’un jeune sur cinq reconnait écouter de la musique plus de 5 heures par jour avec des volumes allant parfois au delà de 100 dB. A titre de comparaison, ce niveau sonore équivaut à celui d’une sirène de pompier ou de police. 100 dB est également la limite maximale légale imposée aux fabricants de smartphones.
Pour mieux conceptualiser les écarts de niveaux sonores, il convient de rappeler que 30 dB correspondra à l’ambiance acoustique que l’on peut retrouver dans un endroit calme. Lors d’une conversation, le niveau grimpera à une cinquantaine de décibels. Dans un environnement modérément bruyant tel qu’un bar ou un restaurant, la mesure oscillera entre 70 et 80 dB. Enfin, un contexte tel qu’un concert verra bien souvent le niveau grimper à 105 voire, 120 dB, avec des pics acoustiques à 140 dB dans les événements musicaux non-réglementés. Précisons ici que, tous les 3 décibels, le niveau sonore se retrouve multiplié par deux.
Les décibels (dB) indiquent l’intensité réelle du son. Les décibels pondérés A (dbA) correspondent au volume sonore réellement perçu par l’auditeur. Il est à la fois intéressant et inquiétant de constater qu’à 103 dbA, seulement 7 minutes d’écoute suffisent pour occasionner douleurs et, potentiellement, dommages internes. 

Les inconvénients de la compression MP3

Le MP3 est un format fréquemment utilisé pour la compression des fichiers musicaux. En encodant le son, on parvient à faire en sorte que la musique prenne moins de place sur le disque dur. Or, il faut savoir que ce mécanisme de compression a la particularité de faire disparaître les reflets sonores ce qui va inciter les auditeurs à majorer le volume, avec toutes les incidences que cela comporte.
Prenons un exemple : si l’on analyse un morceau de musique classique non compressé à l’aide d’un sonomètre, on se rend compte qu’un écart de 10 à 20 dB peut être constaté entre les moments joués Piano et les moments joués Forte. Maintenant, si l’on analyse à nouveau le même morceau de musique mais cette fois-ci dans sa version compressée, il apparaît que cet écart se réduit à 2 dB. Cela pose un problème car l’oreille, pour respirer et souffler un peu, a besoin de ces écart de volume. Or, en étalonnant les niveaux sonores de façon moins riche, la compression MP3 vient enlever ces temps de repos.

C’est la raison pour laquelle il est conseillé de privilégier les format en haute définition qui préservent le relief de la musique. Cela vous évitera de monter inconsciemment le volume pour tenter de mieux profiter de la piste audio.

Casques et écouteurs : comment préserver son audition et éviter d’aggraver ses acouphènes ?

Faites des régulièrement des pauses

Lorsque l’on écoute de la musique sur son smartphone ou baladeur via des écouteurs, oreillettes ou bien encore avec un casque, il est recommandé de prévoir 10 minutes de pause toutes les 45 minutes d’écoute.
En effet, comme le souligne pertinemment l’ingénieur en acoustique et président-fondateur de la Semaine du son Christian Hugonnet, le problème n’est seulement lié au volume d’écoute. La notion de temps est également très importante, d’où la nécessité d’intercaler des pauses.
Il est également intéressant de constater que le temps et le volume d’écoute interagissent de manière assez spéciale. En effet, s’il est possible d’envisager une plage d’écoute de 2h à 90 dB, il est en revanche fortement conseillé de ne pas dépasser 15 minutes à 100 dB.
En guise de récapitulatif, retenez qu’il est recommandé de limiter à 20h cumulées par semaine l’écoute à 90dB.

Privilégiez les environnements calmes

Lorsque l’on écoute de la musique, via son casque ou ses écouteurs, dans un environnement bruyant, on a inconsciemment tendance à monter le volume sonore afin de mieux profiter de l’expérience musicale. Ce comportement, quoique logique, constitue un risque pour l’appareil auditif et, par ricochet, pour les symptômes acouphéniques.
Afin de minimiser l’exposition à ce risque, il est vivement conseillé de privilégier une écoute dans des lieux calmes tels que les parcs ou encore le domicile si ce dernier n’est pas exposé à des bruits ambiants trop forts.

Évitez les mélanges à risque

La consommation d’alcool et de drogue a un effet antalgique (anti-douleur) propre à encourager les comportements à risque tels que l’écoute à haut volume. C’est la raison pour laquelle il est fortement déconseillé d’utiliser votre casque ou vos écouteurs dans un cadre alcoolisé.

Casque ou écouteurs : quelle est l’option la moins risquée ?

En raison de son caractère moins compressif, le casque est traditionnellement considéré comme étant une solution moins agressive pour l’appareil auditif. Cependant, comme nous le verrons un peu plus loin, tous les avis d’experts ne sont pas 100% accordés sur ce point.
De leur côté, les écouteurs semblent présenter d’avantage de risques car ils nécessitent d’être insérés dans le conduit auditif. Cela laisserait supposer que leur propriété compressive est d’autant plus grande et que leur impact sur le système auditif est plus prononcé.

Les différents types d’écouteurs

Dans la famille des écouteurs, il est possible de distinguer trois grandes catégories. Les écouteurs intra-auriculaires ont la particularité de s’introduire au sein même du conduit auditif. Les écouteurs circum-auriculaires, de leur côté, son reliés par un serre-tête qui recouvre pour partie les oreilles. Enfin, les écouteurs supra-auriculaires se distinguent par leur propension à envelopper totalement les oreilles.

Zoom sur les écouteurs intra-auriculaires

Il s’agit du type d’écouteurs le plus répandu. Cela tient à leur légèreté et leur taille réduite. Fréquemment pointés du doigt, les écouteurs intra-auriculaires auraient la fâcheuse tendance à délivrer une pression acoustique au plus près du tympan. C’est la raison pour laquelle ils sont considérés comme étant les plus nocifs pour l’appareil auditif.
Sur ce point, le président du Syndicat National des Médecins spécialisés en ORL et chirurgie Cervico-Faciale présente un avis divergent. En effet, selon ses dires, il serait plus judicieux d’opter pour ce type d’écouteurs en lieu et place d’un casque fermé. C’est la présence d’un orifice sur les écouteurs, laquelle permettrait de faire diminuer la pression acoustique, qui expliquerait cette préférence.
Autre inconvénient, la mauvaise isolation phonique des écouteurs laquelle inciterait l’utilisateur à ré-hausser le volume afin de couvrir l’environnement sonore.

Prenez garde aux fréquences aigus

Il apparaîtrait également que, pour une grande majorité des modèles, la qualité ne serait pas toujours au rendez-vous. Les fréquences sonores aigus, nettement plus agressives pour l’appareil auditif, seraient ainsi plus prononcées que les fréquences graves, moins dangereuses pour l’oreille. Les écouteurs, en raison de la qualité moyenne du rendu sonore, encourageraient de ce fait les auditeurs à augmenter le volume pour compenser la relative médiocrité du son.
C’est une des raisons pour lesquelles, traditionnellement, on a coutume de considérer que les casques matelassés constituent une meilleure option. En effet, il semblerait que la restitution musicale soit d’une qualité supérieure. En outre, le fait que ce type de casques soit bien mieux isolés pourrait freiner la tendance qu’ont les utilisateurs à augmenter le volume pour couvrir le bruit ambiant.

Quoi qu’il en soit, qu’il s’agisse d’un modèle de type casque ou bien d’un modèle de type écouteur, il apparaît judicieux de plafonner l’usage de celui-ci à 50 dB, soit la moité du volume sonore maximum. Ceci va dans le sens d’une recommandation de l’INPES.

Les nouvelles solutions technologiques qui préservent l’appareil auditif

Le Noise Canceling : une option séduisante

Le Noise Canceling, littéralement « suppression du bruit », correspond à une nouvelle tendance technologique qui permet de réduire la perception du bruit ambiant. Cette stratégie de Noise Canceling est évidemment une bonne chose dans la mesure ou cela permet d’envisager un confort d’écoute sans être tenté de vouloir à tout prix couvrir les sons extérieurs.

Casque à réduction active

Le procédé nommé « réduction du bruit active » consiste à juxtaposer une fréquence sonore à une autre afin de neutraliser celle-ci et, in fine, obtenir plus de silence. Cette fréquence peut-être un bruit blanc, un bruit rose et parfois un bruit brun. 
Cette prouesse acoustique que permet d’obtenir certains types de casques est un sérieux atout sur le plan de l’isolation sonore. Le casque créé ainsi une sorte de bulle de silence au sein de laquelle l’utilisateur pourra profiter de sa musique en toute sérénité. Cette technologie requiert la présence de microphones externes, de signaux correcteurs ainsi qu’un système de filtration.

Casque à réduction passive

Le procédé de réduction de bruit passive utilise des composants non électroniques tels que certaines mousses. Le gain en terme d’isolation phonique serait de l’ordre de 20 à 33 dB.

Casque à conduction osseuse

Ce type de technologie est relativement récent. A la différence des casques traditionnels qui diffusent les ondes sonores dans le conduit auditif, les casques à conduction osseuse transmettent le son via des vibrations véhiculées par les os de la mâchoire et de la tempe. Cela permet d’éviter le circuit normal et de préserver le tympan ainsi que les cellules ciliées.
De plus, il est à noter que le risque d’infection du conduit auditif se trouve réduit par le fait qu’aucun corps étranger n’est inséré dans l’oreille. Sur le plan des acouphènes, cette solution parait séduisante car elle évite tout trauma au niveau de l’oreille interne.

Surexposition à la musique : les signes qui doivent vous alerter 

Que vous utilisez des écouteurs ou bien un casque, il convient d’être vigilant quant aux signaux d’alerte que vous envoient vos oreilles en cas de surexposition à la musique. Ces indices sont de trois sortes :
✓ En premier lieu, il s’agit de se méfier de la sensation d’oreille « cotonneuse ». En effet, ce symptôme peut indiquer une fatigue auditive. La perception est souvent décrite par l’impression d’entendre avec un « voile ».
✓ En second lieu, il convient de s’alerter à la moindre baisse soudaine d’audition (hypoacousie). Notamment au niveau des fréquences aigus lesquelles sont souvent les premières victimes d’une fatigue ou d’un trauma auditif.
✓ Enfin, il est important de prêter attention à tout symptôme d’hyperacousie, laquelle se caractérise par le fait d’entendre les sons de manière beaucoup plus forte.
Nous l’avons vu, le choix du matériel acoustique revêt une grande importance dans le cadre de la stratégie de préservation des facultés auditives. En outre, l’acouphène étant souvent le symptôme d’une déficience de l’audition, il nous paraît plus que prioritaire d’adapter les usages d’écoute afin d’éviter tout risque d’aggravation des symptômes acouphéniques.

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